Onzième ministérielle de l’OMC à Buenos Aires – Trois cents organisations de la société civile demandent un changement radical dans l’orientation de l’OMC

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Trois cents organisations sociales demandent aux membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’enlever les contraintes au développement et à la sécurité alimentaire et d’abandonner le projet d’expansion de l’OMC: Lettre de la société. civile mondiale aux délégations ministérielles à la rencontre de l’OMC à Buenos Aires.

Montréal le 16 octobre 2017 – (à partir du communiqué publié à Genève) Les ministres du Commerce de 35 pays seulement, sur les 164 membres que comprend l’OMC, ont participé à une « mini ministérielle » au Maroc les 9 et 10 octobre derniers. L’objectif de la rencontre est de consolider l’ordre du jour de la onzième conférence ministérielle de l’OMC (CM11), qui se tiendra du 10 au 13 décembre 2017 à Buenos Aires en Argentine. Les membres de plus de 300 organisations de la société civile de plus de 150 pays (syndicats, groupes environnementaux, organisations agricoles et paysannes, organismes de coopération et de développement et différents groupes d’intérêt public) ont envoyé une lettre urgente à l’OMC pour tirer la sonnette d’alarme sur le fait que « quelques membres de l’OMC sont en train de pousser un agenda dangereux et inapproprié. » La lettre a été coordonnée par le réseau Our World Is Not For Sale (Notre monde n’est pas à vendre – OWINFS). On peut la consulter dans le fichier en suivant le lien ci-joint.

À l’instar de plusieurs de ses membres, le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) appuie la lettre et l’a fait parvenir aux Affaires mondiales du Canada. Elle est notamment appuyée par le Conseil des Canadiens, le Syndicat national des employées et employés généraux (SNEGSP), l’Alliance de la fonction publique du Canada, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec.

Selon Ronald Cameron, coordonnateur du RQIC, « seule une conclusion selon les orientations indiquées dans la lettre serait dans l’intérêt du Québec et du Canada ».

« Après 20 ans d’OMC, nous constatons, à travers les accords commerciaux qui suivent les prescriptions de l’OMC, notamment un accroissement de la déréglementation et de la répartition inégale de la richesse », poursuit le coordonnateur du RQIC.

Les orientations de l’OMC, notamment sur le plan des nouvelles réalités entourant le numérique, soulèvent aussi des craintes de la part des organisations de la société civile membres du RQIC. C’est pour cela que nous appuyons cet appel international sur les orientations de l’OMC.

Les organisations de la société civile ont voulu souligné dans la lettre que « des citoyens du monde entier ont clairement indiqué aux gouvernements que les règles actuelles de l’économie mondiale, y compris les règles commerciales internationales, ont creusé les inégalités et appauvri beaucoup trop de gens. »

Elles mentionnent que :

  • Il ne doit absolument pas y avoir un nouveau mandat sur le commerce électronique à la CM11.
  • Il ne faut pas adopter de disciplines sur les réglementations intérieures à Buenos Aires.
  • Le développement et la marge de manœuvre économique des pays en développement doivent être préservés, alors que les pays qui ont contribué le plus au problème de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et de la surpêche doivent accepter d’éliminer les subventions néfastes. La gestion des ressources de la pêche doit rester en-dehors de l’OMC.

De plus, la lettre affirme que les organisations sont

« profondément troublées par des positions affirmant un besoin urgent de changer les règles de l’OMC pour renforcer les contraintes sur les politiques des gouvernements qui visent à créer des emplois et à favoriser le développement, y compris et malgré qu’elles visent l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD)m et qui sont ainsi bloquées à l’approche de la 11e Conférence ministérielle, »

Plus précisément, pour ces organisations, des résultats concrets devraient être convenus à la rencontre de Buenos Aires, notamment :

  • une réduction de la quantité de subventions sur le « soutien interne » – y compris les subventions dans la catégorie de la « boîte verte », lorsqu’elles ont un effet de distorsion sur les échanges. Cette disposition permettrait d’amorcer une transformation des règles actuelles en agriculture, alors qu’en vertu des règles de l’OMC, ce sont les pays riches et non les pauvres qui ont actuellement le droit de subventionner l’agriculture ;
  • la mise en place d’un mécanisme spécial de sauvegarde (MMS), qui permettraient aux pays en développement de hausser les droits de douane, afin de protéger la production intérieure de ces pays devant hausses d’importations de biens subventionnés, et ce, de manière non conditionnée à d’autres réductions des droits de douane. Un tel résultat augmenterait sensiblement la capacité des pays en développement à atteindre la sécurité alimentaire, à promouvoir le développement rural et à sauvegarder les sources de revenus des paysans – et ce serait un pas en vue de l’élimination des contraintes posées par l’OMC à la souveraineté alimentaire;
  • la conclusion positive en vue de permettre le « stockage public », par lequel les gouvernements des pays en développement garantissent aux paysans un prix minimum pour leur production et distribuent cette nourriture aux personnes affamées à l’intérieur de leurs frontières. Ces politiques se heurtent aux règles de l’OMC qui ne peuvent être modifiées par le veto de quelques pays, malgré la volonté majoritaire des gouvernements. Les contraintes à la mise en œuvre des programmes de sécurité alimentaire auxquelles se heurtent les pays en développement ne sont même pas exigées aux pays développés qui ont en conséquence ont un effet de distorsion sur les échanges ;
  • l’acceptation des propositions du G90, qui prévoient offrir, aux pays en développement, la possibilité des flexibilités pour leur développement, sans les conditionner à d’autres concessions en matière d’accès au marché de la part des pays en développement ;
  • le renforcement des modestes dispositions en faveur des pays les moins avancés (PMA) qui furent adoptées doivent être renforcées et rendues opérationnelles avec la CM11.

La lettre relève aussi le processus antidémocratique et opaque par lequel certains sujets sont remis sur le tapis à l’OMC :

« Nous croyons à un système commercial multilatéral démocratique, transparent et durable et nous ne voulons pas que l’OMC s’éloigne encore plus de cet idéal. La pratique secrète et antidémocratique de négocier derrière des portes fermées avec quelques membres puissants seulement, et mettre ensuite une forte pression sur les pays en développement pour qu’ils acceptent un autre mauvais accord, qui a caractérisé l’OMC depuis sa création, mais s’est encore accentuée lors des deux dernières ministérielles, doit être abandonnée au profit d’un processus transparent et guidé par les membres, qui mène à des résultats cohérents avec les Objectifs de développement durable adoptés au niveau multilatéral. »

Les organisations terminent ainsi :

« Les membres accepteront-ils un nouveau mandat nocif sur le commerce électronique et de nouvelles règles qui limitent la supervision démocratique des réglementations des services ? Et de nouvelles règles sur les subventions aux pêcheries qui finiront par nuire aux pêcheurs pauvres ? Où les membres vont-ils agir dans l’intérêt de leurs citoyens et changer de cap à l’OMC, enlever ses contraintes aux politiques intérieures qui promeuvent la sécurité alimentaire et le développement et soutenir les efforts des PMA pour augmenter leur part dans le commerce international ? Nous vous exhortons à prendre les bonnes décisions pour un résultat positif à la CM11 de Buenos Aires. »

Ces décisions dépendent largement des résultats de la réunion au Maroc. La lettre reprend beaucoup de points mis en lumière par la société civile tout au cours du cycle de Doha, y compris la déclaration de renversement d’OWINFS, qui inclut une liste exhaustive de changement politique transformateur à l’OMC, qui fut aussi appuyée par des centaines d’organisations de la société civile.

OWINFS est un réseau international d’ONG et de mouvements sociaux qui travaillent pour un système commercial multilatéral durable, socialement juste et démocratique.

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